Pour les amoureux des arbres, en particulier, Eric, Thierry, Dimitri, Sylvie, Michel, Lilou...
Il y a des arbres si beaux qu’on aimerait les appeler des dieux. Les rochers, les herbes, les insectes, les hommes peuvent vous émouvoir, vous intéresser. Mais ils ne sont pas comme les arbres. C’est peut-être qu’en eux seuls la vie est continuellement apparente dans sa force verticale, élevée au-dessus de la surface de la terre. Vie immobile mais cependant orientée, chargée de sens comme un mouvement qui va commencer. Je les regarde. Je m’approche d’eux lentement, avec précaution, parce que je sens la puissance de leur vie, de leur silence, de leur paix. Je ne veux pas les déranger. Il me semble que lorsque j’avance vers eux, que j’entre dans leur ombre, je suis invité en quelque sorte, comme si je répondais à leur voix, comme si c’étaient eux qui m’attendaient.
Leur pensée n’est pas la mienne, pas celle des hommes. Elle est ce qui émane de leur vie, lentement par la croissance des feuilles, par l’épaisseur de l’écorce, par l’avancée souterraine des racines. Je perçois un autre temps, un autre espace.
Je m’approche doucement, sans faire de bruit. L’ombre de la feuillée me recouvre, me protège. Je ne cherche plus à voir, à comprendre. Mais seulement je respire, je suis haut, étendu, le corps dans le ciel de lumière et les pieds enfouis dans la terre profonde.
Ils ne parlent pas. Chacun règne au centre de sa vie, plein de force et de beauté, pareil à un dieu immobile. Leur pensée vient en moi, avec l’ombre fraîche : c’est la longueur du temps vivant, du temps magique.
Mon cœur bat plus lentement, toute ma peau respire, même mes cheveux et mes ongles respirent. Peut-être que je pourrais apprendre à être debout, moi aussi, sans dormir, au centre d’un regard circulaire qui voit la vie comme elle est. Je pourrais apprendre les choses réelles, du climat, de l’air, de la lumière, les choses de la terre fertile, de la circulation de l’eau et du carbone, des passages des nuages. Je les apprendrais sans peine en entrant dans l’aura des arbres, en quittant les espaces nus où il y a trop de soleil et trop de vent, en arrivant dans l’espèce de crépuscule qui ne cesse jamais, sous leur ciel de feuilles.
La fraîcheur verte des feuilles mouillées, à la face supérieure presque jaune, et l’air autour d’elle tremble comme de l’eau, les collines apparaissent comme le fond de la mer.
Nous n’avions pas vu l’air, mais maintenant, il est là, il nous entoure. Les oiseaux décollent lourdement, et montent, à la recherche du vent glacé.
…
Oui, ils sont beaux, et je m’approche d’eux avec respect et vénération, comme de la maison d’un saint.
J.M.G. Le Clezio - L'inconnu sur la terre
C'est beau n'est-ce pas?
Ah, au fait, j'allais oublier de vous dire que j'ai passé le week-end avec Cathy, ma soeur, à planter des arbres fruitiers dans Les Bauges: 17 exactement, des cerisiers, des pruniers, un pêcher, des poiriers et des pommiers, tous adaptés à l'altitude. Travailler pour la vie, ça donne toujours beaucoup de joie!!! (malgré les courbatures... aie aie aie..) Pascale