Des quatre femmes assises dans le couloir, j'en embrasse ce jour-là trois et me contente de serrer la main de la quatrième dont le visage, déformé par la maladie m'inspire un secret dégoût et me dissuade de le toucher, même dans l'effleurement d'un baiser. Elle le devine et m'interpelle: "Et alors, on ne m'embrasse pas aujourd'hui?". Je la prends dans mes bras et l'embrasse en riant pour cette leçon magnifiquement donnée et les chemins ouverts en une seconde de moi à elle.
Mon père, lui, n'a plus ce souci des apparences. Plusieurs fois je l'ai vu se pencher comme un adolescent devant des malades particulièrement disgraciés et leur dire: "vous avez un merveilleux visage, je ne vous oublierai jamais." Cette scène à chaque fois me bouleverse comme si l'infirmité pendant un instant n'était plus dans le camp de mon père mais dans le mien.
La vieille femme qui parle très fort dans le couloir m'appelle du prénom de son fils, Basile. Quand je lui dis que je ne suis pas son fils et que mon prénom est Christian, elle balaie mon objection d'un revers de la main, comme pour dire: je le sais mais cela n'a aucune importance, tu es bien mon fils puisque je me réjouis de te voir, on ne va quand même pas s'arrêter à ces détails.
C. Bobin - La présence pure (mon livre préféré - de mon auteur préféré!)
Merci à vous pour ces textes et ces photos ! Bobin m'a touché au coeur comme aucun autre écrivain .Quand j'ai lu son "Autobiographie au radiateur" , j'ai eu trés souvent l'impression de lire des choses que j'avais parfois ressenti trés fortement mais n'avais jamais conscientisées...Je pense aussi à Charles Juliet, aux poèmes d'Henri Meschonnic "Légendaires chaque jour" et quelques autres poètes/artistes comme Brancusi ,Odilon Redon, Maurice Estève, Paul Guiramand et Ossip Zadkine, l'amoureux des arbres...
Infiniment Merci Sourire pour le regard que tu poses sur la maladie d'Alzheimer..<br />
Je partage entièrement ton analyse sur cette "présence pure" que j'ai cottoyée et qui me touche de trés prés aujourd'hui..
Le souci des apparences...Accueillir la vie...Belle philosophie. Trop belle presque. Si la vie était si rose, si la vie était si simple, si la vie était si belle. Il n'en tient qu'à nous, je sais, de retenir ces leçons de vie et de les appliquer.<br />
Mafoi, pourquoi pas, essayons, peut-être que ce n'est pas que dans les livres que la vie est belle ;)<br />
Merci pour tes pensées, ton partage et on éducation de la vie.<br />
Au grand plaisir de te relire.<br />
Aurélie.
Merci à chacun pour vos commentaires qui me montrent que nous sommes touchés aux mêmes endroits, ça fait du bien... et Christian Bobin sait si bien dire les choses simples. C'est peut-être la raison pour laquelle je suis attirée par les madades d'Alzeimer, comme son père dont il parle dans ce livre, parce que ces personnes ont perdu leurs conditionnements, le verni des bonnes manières, ce qui se fait et ce qui ne se fait pas, et se retrouvent dans la simplicité de leur coeur, comme les jeunes enfants. D'où le titre du livre: La présence pure. Puissions-nous revenir à notre coeur et agir à partir de lui sans se soucier des convenances...<br />
Pour Muriele, vous pouvez m'écrire à mon adresse souriredesneiges@laposte.net.